Un apéritif pour se rencontrer sans pouvoir se voir, c’est la formule originale proposée désormais tous les derniers lundis du mois par l’association Valentin-Haüy. Le but : lever des fonds au bénéfice des aveugles et des malvoyants de Nouvelle-Calédonie.
L’amour est-il aveugle ? Pour le savoir, quatorze personnes de plus de 50 ans, 7 femmes et 7 hommes, ont participé, le 23 février dernier, à une soirée pour faire connaissance autour d’un verre, les yeux bandés. Cette rencontre riche en émotions, avec des échanges drôles, a placé les participants dans une situation pour le moins originale. Avec pour seuls sens l’ouïe
« et éventuellement le toucher, si madame le permet », souligne Virginie Antoine, organisatrice de l’événement et coordinatrice de l’AVH, les apparences étaient laissées au placard pour faire place à des échanges avec moins de réserve que lors d’un speed dating conventionnel.
Collecter des fonds
A 7 ans du lancement des premiers « dîners dans le noir », cette nouvelle opération est aussi l’occasion, pour les responsables de l’association, de pousser un cri d’alarme.
« Il nous reste environ 2 mois et demi de budget pour l’exercice en cours. Le financement accordé par la DPASS a baissé de façon drastique, passant de 23 à 5 millions de francs. Il est donc essentiel pour nous de collecter des fonds, ce que nous faisons à l’occasion des dîners à l’aveugle et de ce nouveau rendez-vous mensuel. Actuellement, nous apportons près de 6 millions de francs en fonds propres. Nous sommes aussi ouverts au mécénat », confie Richard Fournier, le président de l’association et du Collectif Handicaps.
Faire parler son cœur
Les bénévoles de l’AVH ont répondu présent à cette première. Les convives étant masqués, il faut leur porter assistance lors de leurs déplacements. Pour les hommes, le but du jeu est de passer d’une table à l’autre pour rencontrer une nouvelle partenaire. L’espace de parole est limité à 10 minutes par couple nouvellement formé. Pour Maya, 56 ans, le but est avant tout d’aider l’association, même si elle se dit
« ouverte à toute proposition et ravie de cette expérience très cool ». Installée à une autre table, Maryse est la seule malvoyante à prendre part à la soirée. « Je veux découvrir comment ça se passe de ne pas voir la personne et surtout que l’autre personne ne voit pas mon handicap. Je ne lui en parlerai que si elle me pose la question. Cela permettra de faire parler son cœur », confie-t-elle.
Une idée originale
Les langues se délient facilement. Certains se prennent même la main, pour rajouter du piquant à cette situation inhabituelle. « Ca désinhibe ! », lance Youyou, le pseudo choisi pour la soirée. Plus loin, c’est « Dauphin » et « Paprika » qui font connaissance. Situation cocasse, tous deux travaillaient dans une banque. Et s’ils étaient collègues sans le savoir ?
« C’est une idée originale pour faire connaissance. Habituellement, le physique y est pour beaucoup. Là, il faut faire appel à son ressenti », analyse Dauphin. Rapidement, conversations se font plus profondes, comme à cette tablée où l’on entend dire : « on a tous souffert, si on en est là aujourd’hui. Mais la vie est belle. Il faut la croquer… »