Le jeu du Codo-Poly vient de remporter le premier prix de l’appel à projets en faveur du handicap lancé par la ville de Nouméa. C’est Louisa Henne, codeuse en Langue Parlée Complétée (LPC) à l’Association Pour la Surdité (APS), qui est à l’origine de cette initiative ludique à destination de tous publics, dès l’âge de 7 ans.
Comment avez-vous eu l’idée de concevoir ce jeu éducatif ?
Louisa Henne : C’est pendant le confinement, en jouant au Monopoly, que m’est venue l’idée de préparer une séquence en code LPC pour un élève sourd en prenant exemple sur ce jeu. De par mon métier de codeuse en langue française parlée complétée, j’encadre des élèves entre 4 et 21 ans. Ils sont actuellement une vingtaine au sein de l’APS. À la base, ce n’était pas pour participer à l’appel à projets mais pour préparer un cours qui soit ludique. On a testé le jeu avec des collègues et des enfants de tous les âges et il a été adopté. Le prototype a été amélioré par un graphiste qui a travaillé bénévolement pour nous.
Existe-t-il une différence d’apprentissage entre ce code LPC et la Langue des Signes Française (LSF) ?
La LPC est un soutien à la langue des signes, une technique manuelle qui permet de visualiser ce qui est dit. L’élève n’apprend pas un code, il apprend à décoder. La personne extérieure accompagne chacune de ses paroles avec des signes de la main et la personne sourde apprend à associer la lecture sur les lèvres avec les signes sur la main. Depuis la loi de 2016, les élèves sourds et malentendants sont scolarisés dans leur école de quartier, de préférence, et on les accompagne dans leur classe. Ce sont les professionnels qui se déplacent d’une école à une autre.
Comment sont retranscrits les sons avec les mains ?
En LPC, il existe 8 formes de la main, les configurations, pour coder les sons consonnes et 5 positions autour du visage pour coder les sons voyelles. Ces clés permettent de retransmettre visuellement toutes les syllabes du français parlé. Si quelques heures seulement suffisent pour assimiler toutes les clés, il faut une bonne pratique quotidienne pour acquérir une certaine fluidité. Les parents entendants qui souhaitent communiquer avec leur enfant sourd peuvent apprendre à coder.
Comment joue-t-on au Codo-Poly ?
On a choisi le nom Codo-Poly car il rappelait à la fois le code et le Monopoly. La règle du jeu est très semblable à celle du jeu initial. Lorsque l’on tombe sur une case, on tire une carte et il faut coder un mot dans lequel le son indiqué sur la case apparaît. On ajoute la main pour rendre visible tous les sons. Cela permet d’initier et d’entraîner les utilisateurs du code, aussi bien que les novices. J’ai ajouté des questions de culture générale autour de la surdité, comme donner le nom d’une personne célèbre sourde ou les éléments de l’oreille, ou savoir si les personnes sourdes peuvent conduire, par exemple.
En tant que lauréate de l’appel à projets, vous allez pouvoir développer ce jeu. En combien d’exemplaires sera-t-il produit et pour qui ?
La subvention obtenue sera divisée entre le Codo-Poly et le jeu de Scrabble en alphabet LSF imaginé par une maman de l’association qui a été primé, lui aussi. Nous allons en produire une dizaine pour les dispatcher dans des écoles. Ils seront aussi utilisés lors des événements de l’APS qui ont lieu tout au long de l’année.
Propos recueillis par Marianne Page