Il crève l’écran par sa rapidité d’exécution et son intervention discrète et efficace auprès des institutions et des professionnels de santé dans leur communication quotidienne sur le coronavirus. Léo Toïgo, seul interprète diplômé du territoire en français-langue des signes française (LSF) raconte son parcours et l’utilité de son métier pour les personnes sourdes.
C’est une rencontre au cours de ses études qui a changé le destin de Léo. Alors qu’il est en licence de STAPS dans le Sud de la France, il fait la connaissance d’un professeur d’EPS qui enseigne à différents publics dont des sourds. « Je n’ai pas de sourds dans ma famille mais quand j’ai découvert la langue des signes et le milieu de la surdité, ça m’a tout de suite plu. Je me suis intéressé à cette communauté qui est très développée en métropole et organise des spectacles, du chant, de la poésie en signes ou encore du militantisme. Très vite, je me suis rendu compte que j’avais envie d’en faire mon métier. » Léo passe donc un Master d’interprétation en français-langue des signes française à Lille, avec comme pré-requis la maîtrise de ces deux langues. Pour compléter ses connaissances, il suit pendant quatre mois une formation intensive au sein d’une association, avec des professeurs eux-mêmes sourds.
Un traducteur multitâches
Il y a trois ans, l’APS (Association pour la surdité) le fait venir en Nouvelle-Calédonie dans le cadre d’un contrat, pour exercer en milieu scolaire. Par la suite, Léo développe des activités scolaires et extrascolaires en tant que patenté, au sein d’Accès Signe, tout en conservant un emploi à mi-temps à l’APS. « En plus du gouvernement, je traduis pour la mairie, les auto-écoles, la DEFE ou encore des conférences. Je suis allé jusqu’à traduire une comédie musicale ! Ce n’était pas facile ! A la télévision, je traduis l’Hebdo signé, qui passe habituellement le midi sur NC 1ère. C’est un résumé de l’information pour les sourds en langue des signes », précise-t-il. En lien avec l’APS et le Collectif Handicaps, Léo a récemment sollicité le gouvernement pour traduire les points presse sur le coronavirus. « Le gouvernement a répondu favorablement à ma présence, c’est une chance ! La Nouvelle-Calédonie prend peu à peu conscience de l’existence des sourds et de leur besoin d’interprète », souligne-t-il.
Un lexique évolutif
Tout comme la langue française, la LSF comporte une grammaire spécifique avec une façon de communiquer et un lexique qui évoluent dans le temps. « Pour traduire le mot « coronavirus », j’ai cherché sur Internet les propositions des sourds de France. Très rapidement, ce signe a été acté et tous les membres de la communauté l’utilisent : c’est le poing mis devant avec la main opposée qui s’ouvre derrière pour former une couronne (voir notre photo, ndlr). Pour l’hydrochloroquine, c’est plus compliqué, le signe n’existe pas encore, alors il faut l’épeler… La difficulté, lors des points presse, c’est de ne pas avoir à l’avance la trame du discours même si j’ai quelques indications dix minutes avant l’intervention, comme le nombre de cas dépistés ou le thème abordé », indique le traducteur.
De nombreuses questions
Les personnes sourdes du territoire ne cachent pas leur satisfaction de voir leurs besoins pris en compte car leurs questions sur le coronavirus sont aussi nombreuses que celles de tout un chacun. « Les gens voient un gars qui bouge les mains mais ils ne savent pas trop à quoi ça sert. Il est important de leur dire que les sourds sont très contents d’avoir un interprète pour traduire les annonces du gouvernement et d’être mis au même niveau que tout le monde. Très facilement, un sourd pourrait avoir une forte amende parce qu’il ne saurait pas qu’il a besoin de faire une attestation, par exemple.
Ce serait problématique pour tout le monde car il pourrait ainsi transmettre le virus », prévient-il. Trois fois par semaine, Léo met en ligne une vidéo sous-titrée pour le compte de l’APS, en particulier sur sa page Facebook. Par ailleurs, il se dit prêt à intervenir si le besoin d’un traducteur en langue des signes se faisait sentir en milieu hospitalier. « Même sans le coronavirus, il est important de communiquer avec les médecins sur les éventuelles allergies ou à propos du dossier médical. Le but, c’est que cette prise de conscience continue après… »
- Un traducteur en mouvement
- Léo sous le feu des projecteurs
- Le signe du coronavirus