Nageur paralympique en 2008 et 2012, médaillé de bronze aux championnats d’Europe en 2009, Sami El Gueddari est aujourd’hui directeur sportif de la natation handisport et responsable du parcours d’accession sportif au sein de la Fédération française handisport. En exclusivité pour Handicap.nc, il se confie sur sa récente victoire à l’émission télévisée Danse avec les stars (DALS).
Vous étiez un grand nageur, vous êtes désormais un danseur, qu’est-ce qui vous a poussé à participer à Danse avec les stars ?
Une des raisons majeures était de mettre en lumière le monde du handicap et ainsi pouvoir contribuer au changement de regard sur le handicap. Ce programme étant très suivi et, qui plus est, un programme sportif de dépassement de soi, cela correspondait à l’image qu’il me tient à cœur de véhiculer et de défendre. C’était important pour moi de montrer que « c’est possible ». C’était aussi un beau challenge personnel de danser pendant ces 13 semaines. Cela m’a permis de renouer avec les codes du haut niveau. En plus, je faisais plaisir à ma mère qui est fan de l’émission !
Depuis que vous avez arrêté la natation, vous avez conservé une activité physique ?
J’ai arrêté la natation en 2013 et depuis, je m’entraîne régulièrement mais pas dans un objectif compétitif. Là, c’était un peu une compétition, c’était grisant de revivre ça.
La danse de salon, c’était nouveau pour vous ?
A part quelques cours d’initiation à la salsa avec ma compagne, je démarrais sur quelque chose de nouveau. D’ailleurs, je n’ai pas eu de salsa à exécuter…
On vous a vu rougir durant l’émission, danser devant des millions de téléspectateurs, c’était intimidant ?
Pas de danser devant les téléspectateurs, car on ne s’en rend pas vraiment compte, mais il a fallu m’habituer à danser avec une inconnue. Je suis quelqu’un de pudique et avoir cette proximité n’était pas évident mais ça s’est tellement bien passé avec Fauve, ma partenaire, que le jury a remarqué que je m’étais libéré au fil des semaines. On a construit une réelle complicité et plus ça allait, plus c’était naturel. C’est devenu une sorte de jeu.
Avez-vous réussi à dompter Fauve ou est-ce votre partenaire qui a réussi à vous dompter ?
Je pense que c’est elle qui m’a dompté ! Elle m’a entraîné dans son univers de « Fauvette ». En fait, on se ressemble énormément. Elle est très simple mais lorsqu’elle monte sur scène, elle a le feu sacré. Sur les premiers « prime », elle m’a impressionné car quand le direct démarre, on a une autre Fauve Hautot dans les bras. Il faut la tenir et être à 100 % !
Sur scène, vous avez réussi à faire oublier votre handicap, cela demande beaucoup d’entraînement ?
Enormément ! Mais l’idée n’était pas de faire oublier le handicap, même si je suis ravi que ce soit le cas, le compliment est très flatteur. Pour faire changer les choses, j’avais surtout à cœur que les gens se disent : « avec une prothèse tibiale, il arrive à faire ça ! » Si on dit « il est comme tout le monde », finalement, on défend l’idée que la seule norme valable est d’être comme tout le monde. La nuance est subtile mais elle est importante.
Qu’est-ce que le mot « handicap » évoque pour vous ?
Malheureusement, cette terminologie générique est un peu barbare, elle veut à la fois tout dire et rien dire. On m’a souvent demandé si je me définissais comme un porte-drapeau des personnes en situation de handicap et je répondais non. Il peut nous manquer trois phalanges et on est considéré en situation de handicap autant qu’un myopathe ou qu’un non-voyant… L’essentiel est de montrer qu’une personne en situation de handicap peut faire ce que j’ai fait.
Quels étaient les mouvements ou les danses les plus difficiles à réaliser pour vous ?
Toutes les danses où il y a des talons et il y en a beaucoup ! Après, c’était plein de petites choses qui étaient compliquées, comme les porter, avec les appuis au sol. Fauve adore arriver en boulet de canon dans les bras de ses partenaires et ma jambe devait amortir le poids avec une énergie que j’avais du mal à canaliser. Une des danses les plus difficiles était le Jive, à cause des rebonds des deux jambes. Pourtant, c’est celle où j’ai pris le plus de plaisir. J’ai même eu la chance de faire un Jive de haute voltige en finale. Après c’est comme tout, il ne faut pas se fixer de limite et tout faire pour y arriver. C’est l’entraînement qui rend les choses possibles.
« Ce n’est pas parce qu’on n’a pas les meilleures cartes qu’on ne peut pas réussir à gagner. »
Vous avez pu constater votre progression depuis la première fois où vous avez mis les pieds sur le parquet de danse jusqu’à la finale ?
De manière assez surprenante, on voit surtout sa capacité d’apprentissage, étant donné qu’à chaque danse, c’est un nouveau départ sur d’autres éléments techniques. Il ne faut pas oublier qu’on démarre l’aventure avec 3 semaines pour préparer une prestation, et à la fin, on en prépare quatre en une semaine !
En métropole, ces émissions sont diffusées en direct ?
Tout est en direct, c’est ce qui fait le charme de l’émission et ça m’a fait revivre l’adrénaline des grandes compétitions : on n’a qu’une seule chance de bien faire, on n’a pas droit à une autre prise.
Vous êtes le premier sportif, qui plus est handisport, à remporter DALS, d’après vous, c’est un mental et un physique de sportif qui a fait la différence face à un autre sportif ?
Je pense que c’est le mental et le mental de sportif qui ont fait la différence. Ce n’est pas pour rien que je me suis retrouvé en finale face à Ladji Doucouré. Tous les deux, on ne vient pas de la scène, ni du domaine artistique. Même si on sait s’entraîner, il y avait tout un tas de choses à apprendre sur le lâcher-prise, sur l’expression scénique. Une prestation, c’est aussi jouer un rôle pendant sa chorégraphie. C’est ce qui a été le plus dur à apprendre. Le dépassement de soi, savoir repousser ses limites et ne pas lésiner sur le volume d’entraînement, tout ça a payé. On était à égalité sur ce plan avec Ladji, avec nos forces et nos faiblesses. Même pour nous, c’était difficile de savoir qui allait gagner. Ladji m’a talonné, il m’a mis la pression mais on était ravis de faire cette finale ensemble.
Durant votre parcours sportif de haut niveau, vous avez pu côtoyer des athlètes handisport calédoniens ?
J’ai eu l’occasion de rencontrer Pierre Fairbank, Rose Welepa, Thierry Cibone, Rose Vendegou ou encore Nicolas Brignone, qui était de l’aventure à Rio, et bien sûr le staff, avec Olivier Deniaud, que je connais très bien. Vous avez aussi accueilli Marie-Amélie Le Fur dans sa préparation terminale pour les Jeux de Rio.
Connaissez-vous la Nouvelle-Calédonie ? Quelle image en avez-vous ?
Je ne suis jamais allé en Nouvelle-Calédonie mais j’en ai entendu parler par les sportifs qui sont les ambassadeurs de ce territoire d’outre-mer. Je l’imagine très accueillante mais en même temps très connectée à la nature et à ses racines, son histoire. Il y a une valeur d’entraide qui ressort de tous ces sportifs qui font corps à chaque déplacement. Ils sont très solidaires les uns avec les autres et ils apportent une forme de bienveillance protectrice. Ils rayonnent. Je pense à Thierry Cibone ou à Pierre Fairbank, en particulier.
Quel message pourriez-vous adresser à la jeunesse de Nouvelle-Calédonie et aux personnes en situations de handicap ?
Le message que j’ai essayé de porter tout au long de cette aventure, c’est que le handicap peut être quelque chose de beau, il n’est pas réduit à l’infirmité au sens premier du terme. Une personne en situation de handicap peut rêver grand et peut réussir à se dépasser. Il faut croire en ses rêves. J’ai l’habitude de dire que ce n’est pas parce qu’on n’a pas les meilleures cartes qu’on ne peut pas gagner. Le Handicap c’est un peu ça, si on le compare à un jeu. On part avec un désavantage mais on peut en faire une force et une réussite. Après, une chose est sûre : on n’a rien sans rien et encore plus quand on est en situation de handicap. Il faut redoubler de travail et d’effort, ne pas s’arrêter au premier obstacle. Souvent, les personnes le savent et c’est difficile d’en remettre une couche car c’est une lutte du quotidien pour certains, mais il faut continuer à rêver et à rêver grand !
Avez-vous d’autres défis en perspective ? Venir en Nouvelle-Calédonie ?
Carrément ! Je voyage énormément et ça fait partie de mes destinations à réaliser dans un futur relativement proche, si possible. Mon prochain défi, ce sera les JO de Tokyo qui approchent à grands pas. Je reprends ma vie de staff de l’équipe de France pour accompagner au mieux les nageurs dont j’ai la charge et permettre à des sportifs et des jeunes en situation de handicap de briller, de se révéler.
Vous pourriez accepter de participer au Meeting Qantas de natation, par exemple ?
Je connais bien ce Meeting car de nombreux sportifs que je connais y ont participé. Il n’est pas impossible que j’y participe, l’avenir nous le dira…
Propos recueillis par Marianne Page