En situation de handicap visuel, Thomas Dufour vient de fêter ses deux ans chez Lagoon, où il travaille comme agent administratif. Récit d’une intégration hors du commun.
A l’accueil de la société, le jeune homme de 26 ans a le sourire jusqu’aux oreilles. Thomas a eu d’autres expériences professionnelles, mais de son aveu, « c’est la première qui fonctionne aussi bien ! ».
Comme un poisson dans l’eau
« Depuis ma sortie du lycée, Lagoon est la seule entreprise à avoir pris le temps de se pencher sur mon cas et de s’adapter à mon handicap. Au niveau ambiance et conditions de travail, je peux dire que je suis bien. Mon travail est enrichissant, beaucoup de gens me soutiennent et je progresse chaque jour ». Après avoir réalisé deux stages de 15 jours renouvelables, le jeune homme a été embauché en CDD 6 mois, puis en CDI. Diplômé d’un bac pro accueil relation clientèle, Thomas s’occupe des enquêtes de satisfaction, du recouvrement et de tâches annexes comme le contrôle des caisses de la société, le scan de documents ou encore la distribution du courrier. « Je me sens comme un membre de l’équipe. Avant j’avais du mal à comprendre le second degré, mais je me suis bien rattrapé. Pour preuve, pour mes 2 ans de présence chez Lagoon, certains m’ont dit « Ça fait déjà deux ans qu’on te supporte », et ça m’a fait rire ! »
Des embûches
Pourtant, l’intégration de Thomas n’a pas été un long fleuve tranquille, comme en témoigne Catherine Bull, responsable ressources humaines (RRH) de l’entreprise et référente de Thomas. « Tout d’abord, il a fallu apprendre à connaître son handicap, ses points forts et ses points à améliorer, et lui trouver un poste adapté, ce qui n’a pas été une mince affaire sachant que la saisie en live sur ordinateur lui est difficile». Ensuite, il a fallu sensibiliser le reste du personnel à son handicap et expliquer la démarche engagée. « Tout cela prend du temps. Un temps qui n’est pas forcément compatible avec la logique de rentabilité de l’entreprise », confie la RRH qui a notamment suivi une formation dédiée pour accueillir le jeune non-valide dans les meilleures conditions. « Il y avait chez Lagoon depuis quelque temps, cette volonté d’accueillir une personne porteuse d’un handicap. La candidature spontanée de Thomas nous a permis de concrétiser cette volonté ».
Aménagements de postes
Thomas étant malvoyant, l’entreprise a dû procéder à des aménagements de poste. « J’ai le plus grand écran de la société, un 32 pouces. Ça fait des jaloux », plaisante l’agent d’accueil. Des gommettes de couleur ont également été collées à certains endroits stratégiques, par exemple sur le tampon encreur du courrier, pour lui signifier l’envers de l’endroit. « A son arrivée, on lui a demandé non seulement de s’insérer, mais aussi d’être autonome », raconte sa tutrice. « Au début, on lui chauffait sa gamelle, raconte-t-elle. Maintenant, il le fait lui-même ». Certaines adaptations restent encore à peaufiner : « Il faut qu’on retravaille les marquages de la perforeuse pour qu’il sache dans quel sens l’attraper et où s’arrêter », explicite Catherine qui navigue à vue, sans aides ni repères extérieurs. « On s’est débrouillés par nous-mêmes du mieux qu’on a pu ».« Les gens ont du mal à se faire une idée de ce que représente le handicap. Certaines choses leur semblent évidentes, alors qu’elles sont loin de l’être pour moi. Au début, ça me faisait peur de demander de l’aide », confie Thomas. Au fil du temps, il a osé solliciter ses collègues qui désormais l’épaulent et ont bien pris conscience de ses difficultés.
Des progrès perceptibles
« Gérer son caractère a été mon plus gros challenge, confie Catherine.« Quand on me faisait une remarque au début, je la prenais comme une attaque », confirme Thomas qui a même failli démissionner un jour, sous le coup de la colère.« Chacun a dû mettre de l’eau dans son vin. On a persévéré et la direction a insisté. Si on entretient une relation amicale tous les deux, on sait aussi rester professionnels. Je n’hésite pas à lui dire ce qui ne va pas, ce qui lui a permis de progresser. Il a passé des caps et des étapes », avance Catherine pour qui l’échange et la communication restent incontournables. Aujourd’hui, Thomas s’épanouit pleinement à son poste. Il aimerait même passer d’un mi-temps à un temps plein quand l’entreprise lui en donnera la possibilité. Et son ambition ne s’arrête pas là. « J’aimerais faire un audit de mon poste et voir comment me faire monter en compétences ». De son côté, l’entreprise reste ouverte à l’accueil de nouvelles personnes en situation de handicap. « On a vu qu’on était capable de le faire, ce n’est pas insurmontable. Pour nous, le handicap n’est pas un frein », conclut la RRH.